2018 - Château de Monbazillac

RIEN D'IMPOSSIBLE
Château de Monbazillac – Les Rives de l'Art

Le bourg, 24240 Monbazillac

Exposition du 25 mars au 10 juin 2018
Vernissage samedi 24 mars 2018 à 18h



  • Jean Bonichon, Hors limite, 2009 Photographie, 100 x 80 cm
    Collection FACLIM / © J. Bonichon

Cliquer sur les images pour les agrandir

Avec les oeuvres de :
Boris Achour, Jean Bonichon, Kristina Depaulis, Daniel Firman, Gilles Mahé, Christoph Rütimann, Alain Séchas, Erwin Wurm.

Lors de la première visite de repérage au château, invités par l'association les Rives de l'Art et la Cave de Monbazillac, nous nous sommes vite retrouvés autour de la présentation de trois sculptures de Kristina Depaulis. Autour de ces « expériences de vol » suspendues au plafond qui se déploient majestueusement dans l'espace, un ensemble d’œuvres de trois générations d'artistes liés à la performance et à sa mise en scène montre une part de l’évolution de cette discipline depuis trente ans.

Lorsqu'on tape le mot « performance » sur un moteur de recherche, on est immédiatement orienté vers deux branches principales. Celle du domaine physique et sportif, où performance équivaut à exploit, et celle dite "performance artistique". C'est cette deuxième option qui nous intéresse ici.
On apprend que son histoire remonte probablement à la mode des "tableaux vivants" du XVIIème siècle et traverse tout le XXème siècle des avant-gardes (dadaïsme, futurisme, constructivisme, surréalisme, ..) jusqu'aux années 50 et 60, où elle apparaît sur l'avant-scène artistique sous les noms aussi divers que happening, actionnisme, body art, event,... comme un aboutissement ultime de la peinture gestuelle et informelle. Une longue histoire détaillée de la performance rédigée par Gérard Mayen, critique de danse, pour le Centre Pompidou, nous rappelle, s'il le fallait, les liens entre la performance, la danse et le théâtre.
Même si beaucoup de performances des années 50 et 60 furent assez peu documentées, nous sont cependant parvenus quelques témoignages célèbres (l'album historique de Chris Burden (1) par exemple). Dans les années 70, avec l'invention du matériel vidéo portable, de plus en plus de performances éphémères furent filmées. Dans les années 80 et 90, on perçoit un net tournant scénographique de la performance qui passe par la photographie mise en scène (les autoportraits cinématographiques de Cindy Sherman, par exemple), le film et la vidéo, jusqu'au phénomène du "re-enactment"(2) toujours très en vogue aujourd'hui.

Les trois "Expériences de vol" de Kristina Depaulis font partie d'une série de sculptures en forme de prothèses corporelles réalisées entre 2003 et 2010. A partir d'un travail précis de maquette, l'artiste s'attelle à la fabrication de structures portantes la plupart du temps garnies de tissu, ou rembourrées, comme des cocons matelassés dans lesquels le corps peut expérimenter des situations nouvelles. Son atelier ressemble en partie à celui d'une couturière. Après avoir expérimenté elle-même ses sculptures-vêtements, parfois lors de performances publiques, Depaulis les propose à la vue et suggère, par leur échelle et leur aspect extérieur, une proximité corporelle au visiteur. Parfois, certaines sculptures sont mises à disposition et peuvent être expérimentées physiquement (3).

Autour de ces sculptures suspendues qui suggèrent l'envol, l'apesanteur (4), un ensemble de photographies de performances est présenté.

L'autoportrait de Gilles Mahé en lampadaire fait partie d'un ensemble de photocopies couleur de documents divers, privés et publicitaires, édités à l'époque par l'artiste. Ayant créé une société anonyme, il souhaitait fabriquer une banque d'images et spéculer sur leur taille, leur quantité, leur statut (privé/public) et leur valeur marchande. Le projet dura quelques mois, entre 1990 et 1991. Par le procédé très maitrisé de l'agrandissement en mosaïque de la photocopie couleur et par le soin à bien encadrer l'épreuve d’un cadre doré, l’image renvoie très nettement à la peinture classique, l’artiste se transformant en une sorte de cupidon domestique.

Une longue photographie panoramique de l'artiste suisse Christoph Rütiman retient l'attention par sa composition répétitive et colorée. Rütiman a organisé cette action après avoir négocié le prêt d'un espace et de denrées alimentaires par un supermarché. En s'approchant, on perçoit les boîtes de conserves bien rangées par couleur, horizontalement et verticalement, en plans parallèles. L'ensemble évoque une crèche où l'artiste lui-même, vêtu d'un costume noir très contrasté dans l'ambiance colorée, s'est tout simplement endormi pour une sieste de deux heures. Cette longue pause laissera tout le temps à l'assistant photographe d'effectuer plusieurs prises de vue à la chambre. Le titre « The Big Sleep » est emprunté au célèbre roman noir de Raymond Chandler (5). Rütiman est l'auteur de nombreuses performances, parfois musicales, de polaroïds, de peintures et sculptures et de nombreux dessins. Depuis 15 ans, il a également réalisé de nombreuses vidéos.

Une série de trois petits tirages couleurs de Daniel Firman restituent trois moments clés d’une recherche photographique lors d'une résidence à La Napoule en 1996. Allongé sur un fond neutre et clair, l'artiste vêtu de vêtements sombres, manipule des tuyaux et autre coudes de PVC jaune brillant. A l’échelle de son corps, il tente d'organiser et de maintenir les formes, de les relier entre elles. Les cadrages permettent la lecture verticale ou horizontale du lettrage à la typographie arrondie et simplifiée. Lors de performances proches de la chorégraphie, le jeune Daniel Firman a modelé des espaces habitables en argile, avant de commencer à travailler avec le langage des objets, au début des années 2000.

Sur un beau format de paysage portuaire, au centre de l'image, un personnage de dos s'appuie sur une rambarde anti émeutes, les pieds dans l’eau, face à l'horizon lointain. Il s'agit de Jean Bonichon lui-même, qui a attendu la marée montante pour mettre en scène cette image et fixer ce moment improbable. L'artiste creusois a débuté ses actions et performances dès ses années d’étude à Clermont-Ferrand, puis à Nantes. Sculpteur et scénographe, il se met souvent à l'épreuve sans crainte du ridicule, dans la tradition de Buster Keaton ou de Jacques Tati. Le titre de cette œuvre, « Hors limites », est comme un clin d’œil à la fameuse exposition du même nom, sous-titrée « L’art et la vie, 1952-1994 », qui eut lieu au Centre Pompidou en 1994.

En contrepoint de ces images photographiques de performances et d'actions plutôt comiques, un relief lumineux d'Alain Séchas, « le volatile », clignote régulièrement. Il s'agit d'un dessin de néon animé qui fonctionne comme une publicité lumineuse. Virtuose du dessin, passé par la sculpture parfois animée, l'installation souvent monumentale, et auteur de nombreuses œuvres en extérieur, l'artiste est retourné depuis 15 ans à une pratique solitaire d'atelier.

Dans la salle suivante, l'ensemble complet des « 48 One Minute Sculptures » de l'artiste autrichien Erwin Wurm est présenté sur une ligne périphérique horizontale. Cet ensemble exceptionnel de photographies repose sur une durée de la sculpture ramenée à une minute pendant laquelle des assistants improvisés, rencontrés par hasard, exécutent des actions avec des objets, selon les instructions données par l’artiste. Les postures sont plus ou moins drôles, éprouvantes, douloureuses, et les situations souvent saugrenues. Elles sont photographiées par l’artiste, dans des cadrages plus ou moins rapprochés et dans un délai court (moins d’une minute). Depuis cette série fondatrice et aujourd’hui très célèbre, la sculpture de Wurm a évolué vers des œuvres monumentales, souvent des objets gonflés, devenus mous ou tordus, parfois en extérieur.

Sur le chemin vers la dernière salle, une petite salle de bain accueille une sculpture vidéo. Cette œuvre de jeunesse est un autoportrait filmé de Boris Achour immergé dans sa baignoire. De courtes séquences où l'artiste retient son souffle le plus longtemps possible, puis relâche quelques bulles d'air sont mises en boucle et se répètent inlassablement. Par un habile subterfuge de présentation (le téléviseur sur le dos), Achour fait basculer l'image à l'horizontale et restitue ainsi la situation de tournage, l’œuvre devenant littérale.

Dans la dernière salle, une sculpture spectaculaire de Daniel Firman, « Gravité », captive le regard. Un mannequin vêtu des vêtements de l'artiste accumule une telle quantité d'objets divers dans les bras que sa tête disparaît. Des objets de toute sorte semblant provenir d'un garage s'enchevêtrent comme aimantés par le personnage. Cette œuvre est un autoportrait où l'artiste a servi de modèle pour une sculpture performée et photographiée par un assistant au fur et à mesure de sa construction.
Le reportage photographique permettra de reconstruire la sculpture sur la base d'un mannequin aux mensurations de l'artiste. L'ensemble est un bouquet d'objets (en trop?) qui rappelle autant la figure de l'Atlante, à la frontière de la sculpture et de l'architecture, que les effets spéciaux du cinéma. Après avoir exploré cette méthode avec plusieurs personnages, souvent en lien avec la danse et la photographie, sa sculpture a évolué pour s'emparer du néon, parfois d'objets accidentés ou d'animaux taxidermisés.

A travers cette sélection de sculptures et de photographies, on perçoit une évolution dans les moyens utilisés par les artistes. L’agrandissement rapide de l’image par la photocopie permet à Gilles Mahé de donner une dimension publique (publicitaire) à son univers personnel. L’aide de l’assistant photographe, même s’il peut s’agir de l’appareil photo sur pied équipé d’un retardateur, permet à l’artiste de recomposer les étapes d’un assemblage d’objets. La sculpture déléguée à des interprètes autorise de nombreuses surprises.
De nombreuses œuvres renvoient également à notre relation aux objets. Au grand ménage proposé par Firman, le comique de situation des sculptures photographiques de Wurm suggère aussi l’encombrement, voire l’ergonomie. Dans la tradition spectaculaire du « tableau vivant », la sieste de longue durée de Rütiman évoque le détachement ; la pause de Bonichon rappelle le romantisme d’un Caspar David Friedrich « burlesque » ; la tête sous l’eau d’Achour, la pose d’un Narcisse à l’envers ; Gilles Mahé en lampadaire devient aussi Cupidon. Toutes ces œuvres montrent, s’il le fallait, que les artistes font preuve de beaucoup d’audace et d’humour dans leur confrontation au monde matériel des objets.

Yannick Miloux



Notes :

(1) L’œuvre intitulée « Chris Burden : 71-73 » est un classeur édité en 50 exemplaires par l’artiste le 1er janvier 1974 pour « illustrer son travail de performance ». Il regroupe 53 photographies, 25 commentaires dactylographiés et 1 croquis. Il a été acquis par le FRAC Limousin en 1993.

(2) C'est à dire la réactivation de performances historiques basée sur des partitions dessinées, photographiées ou filmées, souvent proches de la danse, parfois par les artistes eux-mêmes (la rétrospective de Marina Abramovic au MoMA, par exemple), et collectionnées par de grands musées.

(3) Pour une exposition au Musée d’Ussel, l’artiste réalisa une série de paires de chaussons de différentes tailles, en tissu de toile à matelas, pour inviter les visiteurs à parcourir le musée ainsi chaussés.

(4) Les expériences de vol de Depaulis s’inscrivent dans une très longue histoire. Depuis le mythe d’Icare, jusqu’aux machines volantes de Léonard de Vinci et, plus près de nous, celle de Vladimir Tatline ou de Panamarenko.

(5) « The Big Sleep » (1939) de Raymond Chandler fut adapté deux fois au cinéma, en 1946 par Howard Hawks, avec Humphrey Bogart dans le rôle du détective Philip Marlowe, puis en 1978 par Michael Winner, avec Robert Mitchum dans le rôle-titre.

 

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