2019 - Collection en mouvement, Images de perfection, Panazol

  • Imprimer

Médiathèque de Panazol

1, place Achille Zavatta
87350 Panazol

LogoFacLim

Présentation de l’exposition jeudi 9 mai 2019 à 18h
Exposition 2 mai au 1er juin 2019



Miller 01John MILLER
Clubs for America, 1992, (détail)
Photographie couleur
28 x 33,4 cm
Collection FRAC Limousin
©DR
















Œuvres de : Benoît BROISAT, Florent CONTIN-ROUX, Kristina DEPAULIS, ERNEST T., Barbara KRUGER, John MILLER, RAMON, Kerry TRIBE.
OEuvres des collections FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine - Limousin.

Cette exposition présente un ensemble d’œuvres variées (photographie, photomontage, installation, vidéo, peinture, sculpture…) d’artistes de générations différentes autour du thème de la mémoire.

Les œuvres sont temporairement regroupées sous un titre, « Images de perfection », directement emprunté à une œuvre de la célèbre artiste américaine Barbara Kruger (née en 1945, vit à New York). Ce photo-montage repose autant sur une connaissance érudite des outils de propagande hérités du constructivisme russe - une composition très efficace, de forts contrastes noir et blanc, des modulations de trames et des valeurs de gris, un cadre rouge vif – que sur un véritable savoir-faire. Kruger fut en effet d’abord graphiste pour la revue new-yorkaise « Mademoiselle » avant de devenir artiste. Au centre de l’image, le slogan « La mémoire est votre image de perfection » apparaît comme une évidence, une sorte de vérité. Ce qu’énonce avec force cette œuvre, c’est notre tendance à la mémoire sélective.
Ramon (né en 1931, vit à Limoges) est un autodidacte ayant exercé différents métiers (de peintre en bâtiment à professeur des écoles…) et qui a produit des œuvres très diverses (peinture, collage, gravure, photographie, etc.). Ayant travaillé dans l’imprimerie, il a pu expérimenter différentes recherches sur les trames, et s’est notamment rendu compte que des agrandissements d’images tramées pouvaient faire apparaître de nouvelles images. Cette œuvre « historique » de 1964, « La fiancée du soldat », et l’ensemble des œuvres sur papier de la même période témoignent de sa manière de mixer sérigraphie et peinture pour travailler à des peintures combinatoires qui ressemblent à des rébus. Les œuvres agissent comme des palimpsestes d’où émergent des histoires vécues et longtemps occultées.

L’artiste qui se cache sous le pseudonyme d’Ernest T. est né pendant la seconde guerre mondiale. Sensible à la manière dont les médias on transformé l’art en reproduction et l’artiste en bouffon de la bonne conscience, l’œuvre d’Ernest T. s’attaque à tous les sujets : carriérisme, spéculation, expertise et critique, originalité et avant-garde, morale et scandale. Connu pour ses « peintures nulles », sorte de pastiches néo-plastiques qui viennent activer des dessins d’humour agrandis, Ernest T. a également produit une grande quantité de travaux graphiques, souvent publiés dans des journaux. « Oubli Total » est un dessin sur calque où il met au point une composition typographique. La page est organisée de telle sorte que les lettres capitales prennent toute la place. Un slogan publicitaire pour ou contre l’amnésie (?).

L’œuvre de John Miller (né en 1954, vit à New York et Berlin) se partage entre l’écriture, la musique et les arts visuels (photo, peinture, sculpture et vidéo). L’une de ses récentes rétrospectives mettait en avant son utilisation de la figure pour commenter de manière particulièrement incisive le statut de l’art et de la vie dans la culture américaine. Ses peintures de télé-réalité aux teintes sépia décrivent des moments d’émotion savamment fabriqués à la télévision. Sa fameuse série photographique débutée en 1994, « Middle of the Day » comprend des photos banales prises chaque jour vers midi. Dans cette série limitée à 10 clichés, l’artiste a entrepris de photographier les adresses des principaux « sex clubs » de New York après que l’épidémie du sida les ait fait disparaitre. Sauf l’enquête minutieuse de John Miller, il ne reste aucune trace de ces clubs.

Kristina Depaulis (née en 1972, vit en Haute-Vienne) base son travail de sculpture sur deux notions fondamentales, l’espace et la mémoire. Dans un entretien, elle précise : « Lorsque j’ai commencé à introduire le temps dans mon travail, je me suis intéressée à la mémoire, à la mémoire de l’espace, aux différents mécanismes de perception et à la manière dont ils construisent une identité. La mémoire est une matière mouvante qui se modèle au contact d’un présent contenant passé et futur, autrement dit, qui prend appui sur nos perceptions antérieures, sur celles de l’instant où nous la rappelons et sur celles que nous projetons. Elle est aussi multiple : mémoire mécanique du corps, mémoire du vécu, mémoire de la mémoire et n’existe et ne persiste qu’articulée aux mémoires de l’autre pour interroger une mémoire collective inter subjective »(1). Les deux maquettes présentées furent réalisées au début des années 2000. Ce sont des études préparatoires pour des œuvres qui existent à l’échelle 1/1 et qui, lorsqu’elles sont exposées, peuvent être expérimentées par le visiteur.

Kerry Tribe (née en 1973, vit à Los Angeles) est surtout connue pour ses films et ses installations vidéo. Précisément décrite par l’artiste sur son site internet, « Near Miss » consiste en trois prises de vue cinématographiques presque identiques. Dans chacune, la caméra est positionnée dans une voiture qui semble être conduite la nuit dans une tempête de neige…Après environ une minute, la voiture commence à perdre de la traction, fait une queue de poisson, puis un tête-à-queue, et finit sur le bas-côté. L’image fond au noir, et après quelques secondes, une autre séquence enchaine. Chaque prise est accompagnée de sa propre bande sonore, et chacune révèle de subtils détails dans son exécution ». Cette œuvre fait partie d’une série de recherches sur la perception, la coïncidence et la mémoire. C’est une tentative de rejouer un évènement non-documenté seulement vécu par l’artiste dix ans plus tôt. Cette œuvre touche aux problèmes liés à la communication objective de la mémoire subjective.

Florent Contin-Roux (né en 1975, vit à Limoges) est un peintre autodidacte qui s’appuie la plupart du temps sur des clichés projetés pour exécuter ses peintures. Ceux en couleur ont été pris par lui, dans une quète assez « plate » du banal, de l’ordinaire. Ceux en noir et blanc sont majoritairement des photos de famille, d’archives, de documents historiques. Les deux tableaux noir et blanc appartiennent à cette seconde catégorie mémorielle. « Nord Atlas » part d’une photographie trouvée dans les archives paternelles. Le traitement pictural de l’image par l’acrylique et la laque fait alterner brillances et matités, l’avion semble comme en apesanteur, immergé sous une ligne de flottaison. « Gagarine » fut réalisé l’année suivante à partir d’une archive historique. Ici, le traitement de l’image est exagérément pixellisé, la vigueur de certains gestes allant jusqu’à laisser dégouliner la matière peinte. Mémoires individuelle et collective semblent traitées sur un pied d’égalité.

Dans un texte judicieusement nommé « Benoît Broisat, reporter d’intérieur », la critique d’art Florence Ostende précise que l’artiste « déploie une énergie démesurée dans la reconstitution, remémoration ou restitution d’évènements qui finissent par prendre une ampleur plus grande que l’original. Si on devait croire au mythe de la grande œuvre, interminable et dévorante, l’œuvre d’une vie, celle de Broisat serait la Place Franz Liszt »(2). Initié en 2001, le projet consiste à récréer la place Franz Liszt uniquement à travers des témoignages écrits ou oraux, sans jamais accéder à la source directe. Cette récolte très variée le conduit à produire des éléments divers (dessins, maquettes, reconstitutions 3D) qui constituent l’œuvre elle aussi fragmentaire. Dans sa volonté de représenter un lieu « en aveugle », l’artiste souhaite expérimenter un mode de perception utopique, sans point de vue ou à points de vue multiples, qui intègre la pluralité et la diversité des regards. Comme il l’écrit lui-même, c’est « le fantasme de contempler le monde à travers les yeux et la conscience de l’Autre. »(3)