Mairie de Ménoire
Le Bourg, 19190 Ménoire
Exposition du 9 octobre au 27 novembre 2019
Avec les œuvres de Dominique BAILLY, Piero GILARDI, Manon SIMONS, Seton SMITH, Gérard TRAQUANDI.
OEuvres des collections du FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine.
Manon Simons
Hide and seek, 2016 (extrait).
Vidéo, durée: 3'30 "
Collection FRAC Limousin
© M. Simons
En regard d’un film captivant réalisé récemment par une jeune artiste creusoise, Manon Simons, des sculptures et des photographies spatialisées proposent des prolongements, de mystérieux échos.
Manon Simons (née en 1992 à Guéret) a étudié à l’Ecole Nationale Supérieure d’Art de Limoges où elle a reçu son diplôme en 2016. Elle a conjugué sa familiarité avec la nature et son goût pour les histoires pour réaliser de courtes vidéos, dont « Hide and Seek » en 2016. Le scénario très simple - un enfant joue à cache-cache en fermant les yeux devant un arbre au milieu de la forêt - permet à l’artiste d’absorber complètement notre attention. La très belle qualité des images, la variété des cadrages (plans larges, plans reserrés, vues de détails), et la subtilité du montage pourtant irrégulier confèrent à cette séquence filmée une grande fluidité narrative. On passe très subtilement de la forêt enveloppe mystérieuse de la scène à des plans très courts sur un crâne animal, des mouches qui bourdonnent,etc. qui semblent tous issus de l’imaginaire de l’enfant. La jeune artiste précise s’être en partie inspiré du poème « La charogne » de Baudelaire, où l’auteur décrit avec jubilation des scènes de putréfaction.
En contrepoint de ce film, trois sculptures se déploient au sol.
L’une, intitulée « Blessures de hêtres » est une série de sept nœuds de bois précisément installés sur une longueur de six mètres. Elle fait partie des œuvres d’intérieur réalisées par Dominique Bailly (1949-2017) dont la démarche de sculpture a toujours cherché le contact le plus étroit avec la nature jusqu’à la contemplation. Ici, en alignant de façon méthodique ces éléments de bois, l’artiste suggère un parcours tout en laissant au regardeur toute latitude pour circuler à sa guise.
Seton Smith, née à Newark, New Jersey, en 1955, dans une famille d’artistes (1), travaille depuis plus de trente ans. Après avoir étudié la photographie et l’histoire de l’art à Boston, elle a partagé son temps entre Paris et New York. Elle a réalisé des sculptures, des projets dans l’espace public et des installations, mais elle s’est surtout concentrée sur la photographie pour explorer les aspects psychologiques et sociaux des objets, du paysage et de l’architecture. Cette série de quatre photographies intitulée « Crashing Trees » (arbres écrasés) a été réalisée en 1990. En présentant ainsi au sol en arc-de-cercle ces quatre photographies d’arbres détruits par une tempête ( ?), l’artiste surligne ses cadrages en plongée, près du sol et accentue l’impression de désolation.
Piero Gilardi (né en 1942 à Turin) fut, au milieu des années 1960, l’inventeur des « tapis-nature » : une proposition originale et profondément écologiste qui le fit connaître sur la scène internationale et témoigna de l’impact du Pop Art en Europe. A partir de blocs de mousse polyuréthane taillés dans la masse et très précisément peints, l’artiste transplante un fragment de nature totalement synthétique dans l’univers domestique. L’œuvre présentée, « Tronco Sedile » est un siège en forme de tronc - ou un tronc en forme de siège - à l’échelle 1/1, où le visiteur pourrait être tenté de s’asseoir. L’artiste interrompra la production de ce type d’œuvre pendant une douzaine d’années pour se consacrer à des projets militants (Parc d’Art Vivant à Turin, mise en scène,…) avant de développer des recherches cybernétiques, des réflexions théoriques et des œuvres participatives où la technologie a une place importante.
Gérard Traquandi (né en 1952, vit entre Marseille et Paris) développe depuis les années 1990 une œuvre paradoxale, entre abstraction et réalisme, qui interroge les pratiques mêmes de la peinture, du dessin, de la photographie et de la sculpture. Il dessine sur le motif : des fleurs, des arbres, des montagnes et des nuages, mais aussi des sculptures baroques, des buissonnements, des figures…. Comme le souligne le critique d’art Régis Durand, « Traquandi pratique la photographie depuis longtemps - on se souvient de ses tirages à la gomme bichromatée aux motifs les plus variés, paysages urbains, fleurs, arbres, etc…- pour ce qui lui est propre, c’est-à-dire saisir la manière dont la lumière vient imprimer le dessin des objets du monde sur une surface sensible… La photographie impose à ce peintre abstrait une présence irréfutable du motif…Ce motif devient constitutif de la totalité de l’image… D’où le choix d’éléments qui occupent le champ, en surface, arbres, branchages, choses légères qui ne font pas appel à une grande profondeur de champ ».(2)
Les trois œuvres présentées sont des héliotypies (3) de grand format qui prennent pour sujet trois troncs de pins identiquement et très précisément cadrés. Par les contrastes très subtils des noirs des blancs, trois présences se révèlent simultanément en tant qu’image et lumière.
Notes :
1/ Seton est la fille du sculpteur américain Tony Smith et la sœur de Kiki Smith.
2/ Régis Durand : « Gérard Traquandi, l’aura de la matière » in AA l’Architecture d’Aujourd’hui, mai-juin 2012
3/ L’héliotypie ou phototypie (1855 – 1930) est un procédé qui consiste à enduire une pierre lithographique d’un couche de gélatine bichromatée photosensible. La gélatine est exposée à la lumière en contact avec le négatif photographique à imprimer.