2021 - Une couleur de trop, ENSA Limoges

  • Imprimer

Exposition du 18 octobre au 18 novembre 2021
Lundi 18 octobre 2021 à 18h : vernissage de l'exposition en présence des commissaires de l'exposition

Commissariat :
Yannick Miloux, directeur artistique au Frac-Artothèque,
Alain Doret, artiste enseignant à l'ENSA,
Arnaud Dubois, anthropologue enseignant à l’ENSA.
Exposition réalisée dans le cadre d’un partenariat entre l’ENSA de Limoges et le Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine à l’occasion de la journée d’étude « Une couleur de trop ».

Avec les œuvres de : Martine ABALLÉA, Etienne BOSSUT, Nina CHILDRESS, Claude CLOSKY, ERNEST T., Sylvie FANCHON, Bernard FRIZE, GENERAL IDEA, Richard HAMILTON, Jane HARRIS, Shirley JAFFE, David MALEK, Anita MOLINERO, Richard MONNIER, Olivier MOSSET, Florindo NANNI, Loïc RAGUÉNÈS, Hugo SCHÜWER-BOSS.
Œuvres des collections du FRAC-Artothèque Nouvelle-Aquitaine.

Monnier WebRichard Monnier
Dégradé, dégradé, 2000
Rétroprojection d'images numériques générées par un programme informatique
Collections Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine
© Richard Monnier
Crédit photographique : Frédéric Magnoux


En 1904, Georg Simmel, sous la forme d’un court conte de fée, écrit l’histoire de la couleur Grülp : la couleur qui n’existe pas. Grülp est la couleur que l’on ne peut pas voir et celle à qui l’on ne peut pas donner un nom. Grülp est, en un mot, la couleur inintelligible.

Au XIXe siècle, deux nouveaux mots voient le jour dans la langue française pour parvenir à exprimer une double expérience inédite de la couleur qui s’impose en Europe aux marges de la notion classique de « coloris » en usage dans les beaux-arts et la peinture : la polychromie et le multicolore. Ces deux termes, bien qu’ils soient souvent considérés comme synonymes et qu’ils apparaissent au même moment dans les dictionnaires, servent pourtant à différencier deux nouveaux régimes chromatiques. La polychromie est un terme savant, qui se rattache aux couleurs de l’architecture et de la sculpture antique, quand le multicolore sert à désigner les nouvelles pratiques de colorations qui émergent de l’industrialisation européenne et qui s’exposent dans la rue : les affiches, les néons, les étalages de tissus et de marchandises : ce que Walter Benjamin a défini comme « les couleurs démocratiques ».

L’exposition Une couleur de trop s’inscrit dans cette généalogie souterraine de l’art moderne et contemporain telle une goutte qui ferait déborder le vase, le moment où tout bascule, où l’on ne maîtrise plus rien et où tout nous échappe. Conçue à partir d’une recherche dans la collection du Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine hors des sentiers balisés du monochrome et de « la couleur seule », Une couleur de trop n’interroge pas ce qui serait l’essence de la peinture mais plutôt ce qui pourrait être considéré comme son défaut, son excessivité et son instabilité dans nos sociétés contemporaines.

Des plaques publicitaires émaillées de Richard Hamilton, des images colorisées de Martine Aballéa, du papier-peint de General Idea, du crayon de couleurs de Claude Closky et de Loïc Raguénès, du plastique d’Anita Molinero, du collage d’Ernest T., des encres d’Olivier Mosset, de la résine d’Etienne Bossut ou encore de la vidéo de Richard Monnier s’exposent au côté de la peinture de Jane Harris, Nina Childress, Sylvie Fanchon, Shirley Jaffe, Bernard Frize, David Malek, Hugo Schüwer-Boss et Florindo Nanni pour nous aider à déjouer les codes des représentations de ce qui fait couleur en art et de ce que les couleurs font à la peinture contemporaine.

Arnaud Dubois et Alain Doret
Enseignants-chercheurs à l’École nationale supérieure d’art de Limoges

 

Post-scriptum :
La plupart des œuvres choisies datent de la fin du XXe siècle. Un tournant important marque cette période, celui de l’avènement de la palette électronique.

Après le néoplasticisme et son programme réduit aux trois couleurs primaires initié au début du XXe siècle par Mondrian, répandu ensuite dans la mode et le design et récemment « épinglé » par Ernest T. ; puis l’industrialisation de l’imprimerie, ses procédés quadrichromiques et ses techniques de reproduction en constante évolution - sérigraphie, offset, émail - abondamment utilisés par les artistes pop ; l’influence de la vidéo, de l’écran cathodique et de ses qualités spécifiques, lumineuses et chromatiques, apparaît à partir des années 1970, s’intensifie dans le dernier quart de siècle et domine aujourd’hui. C’est une évolution déterminante. Les œuvres de General Idea et Richard Monnier, Claude Closky et Hugo Schüwer-Boss s’appuient sur ces nouveaux régimes d’images en mouvement. La dimension changeante et volatile de l’image animée est particulièrement sensible dans les vidéos (documentaire) de Closky et (aléatoire) de Monnier. C’est peut-être à cet endroit précis que se situe l’instabilité actuelle de la couleur, expression initiale de ce projet.

Yannick Miloux
Directeur artistique du Frac-Artothèque Nouvelle-Aquitaine